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National Music Centre of Canada (Calgary 2009) : rencontre au sommet
par Camille Crossman, publié le 2014-10-22
Il ne manque pas d’analogies entre la musique et l’architecture bien que ces deux disciplines se réalisent dans des univers a priori antagonistes. La musique serait un art de la virtualité, l’architecture un art du concret des matériaux. Le concours du Centre National de Musique de Calgary, parce qu’il a donné lieu à la conception de 5 projets, dont 4 ne seront pas construits, montre que cette distinction entre virtuel et réel reste simpliste. La musique a besoin des conditions matérielles de l’espace architecturé pour s’épanouir tandis que l’architecture s’offre en tant que tel dès l’étape du projet, a fortiori quand il s’agit de concepteurs aussi renommés qu’exigeants.

Lancé en 2009, pour une inauguration prévue en 2016, le concours pour le Centre National de Musique de Calgary (National Music Centre) symbolisera une nouvelle étape pour cette organisation fondée en 1987. Outre la formation de musiciens de tous styles et de tous niveaux, le Centre National de Musique entend offrir des espaces de représentation et d’exposition d’une collection de plus de 1000 instruments. Le site choisi pour l’implantation se déploie sur deux îlots, qui doivent être reliés par le projet. La parcelle la plus petite comprend également un bâtiment historique à préserver, à mettre en valeur et à connecter avec la nouvelle construction. C’est en regard de ce programme et de ce site inhabituel que les organisateurs ont misé sur un appel international. 5 firmes ont été conviées à réfléchir à ce projet d’envergure dédié à la musique.

L’exercice de comparaison pourrait ne révéler que peu de points communs entre les projets sauf à considérer le fait que ces propositions présentent des approches esthétiques typiques de la signature architecturale de leurs auteurs, à savoir :
• Saucier + Perrotte/Graham Edmunds ;
• Diller Scofidio + Renfro/Kasian ;
• Studio Pali Fekete Architects;
• Jean Nouvel Workshop ;
• Allied Works Architecture/BKDI.

Tout en contraste, le projet de Saucier + Perrotte/Graham Edmunds vient marquer le paysage urbain par l’articulation de volumes aux tons de gris foncés, de gris métallique et de verre. L’équipe québécoise mise sur un parcours en boucle qui vient lier les différents programmes et les deux parcelles. Passants, piétons, vélos, véhicules ne sont pas en reste puisque le cadrage horizontal réalisé au-dessus de la rue permet de ressentir une intériorité, en offrant la possibilité d’accueillir des événements et d’apprécier la musique en admirant le ciel.

Le projet de Diller Scofidio + Renfro/Kasian n’est pas sans rappeler la Seattle Central Library de OMA, à laquelle l’équipe aurait toutefois donné une sorte d’immatérialité analogue à leur Blur Building. Si l’enveloppe et les circulations sont développées très librement, le programme est par contre distribué de façon très rationnelle, voire rigide. Les petits volumes de pratique, pourtant très transparents, évoquent davantage des cellules que des lieux de création. On peut également se questionner sur la réalisation matérielle du concept qui, inévitablement alourdi par des structures porteuses, risquerait de perdre en légèreté. Il reste que ce projet vaut la démonstration puisqu’il propose l’exploration formelle la plus éclatée, tout en donnant un sens aigu à la notion d’intégration urbaine.

Tandis que ces deux projets proposaient d’implanter des bâtiments distincts sur les deux parcelles et de les relier par des passerelles, la proposition de Studio Pali Fekete Architects (États-Unis) exploite ce lieu pour générer une barre surélevée qui supportera l’ensemble du programme. Liant les deux îlots, cadrant la rue et affirmant fortement sa présence au niveau urbain, le volume est posé sur deux écrins de verres. Il est percé par de larges baies qui laissent les regards entrer et sortir. Un vaste atrium déclinant les usages du bois vient transpercer verticalement la géométrie très simple de ce bloc parallélépipédique. Jouant entre transparences et opacité, la matérialité de cette proposition est à la fois sobre et chaleureuse.

Le projet du Jean Nouvel Workshop se distingue des autres approches et rappelle la stratégie d’implantation développée par Piano et Rogers pour le Centre Pompidou, contractée sur la moitié du site seulement afin que l’autre portion devienne une place publique. Pour Calgary, Nouvel suggère une grande tour d’un côté de la rue, et une place de l’autre. À la façon de sa Torre Agbar à Barcelone, cette tour vient marquer le paysage d’un nouveau point de repère, une irruption destinée à inscrire le skyline du centre-ville de Calgary. Malgré la simplicité de la volumétrie, le décollement de la façade principale fait respirer le projet et lui donne une identité propre. La distribution, quoique répétitive d’étage en étage, propose de percher la salle de concert au sommet : un renversement typique des concepts déclinés par Jean Nouvel et son équipe. Point culminant, une terrasse publique devait couronner la toiture et redonner l’horizon urbain aux visiteurs.

Enfin, le projet de l’équipe gagnante (Allied Works Architecture/BKDI) rappelle leur proposition pour le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) en 2009, mais le concours du Centre National de Musique fut lancé quelques mois avant celui du MNBAQ. Leur projet pour Calgary propose une géométrie surprenante. Des volumes manifestent l’importance de ce nouveau lieu dans le renouveau de son tissu urbain immédiat. Des creux ponctuent les masses. Ces soustractions volumétriques peuvent évoquer différentes analogies et ces espaces de résonnance, nécessaires aux instruments de musique. Dans leurs projets, correspondant à des contextes culturels différents, la densité des programmes impose des volumes compacts, l’utilisation de surfaces aux couleurs pâles pour alléger la densité des volumes, lesquels gagnent ainsi en délicatesse, voire en richesse, avec des tons de beige et des dorures. Initiative de la Cantos Music Foundation, responsable de la collection d’instruments de musique, ce concours porte des ambitions sans équivoques : « Cantos envisage que Calgary devienne une ville modèle de classe mondiale pour les programmes publics, l’engagement civique, l’éducation musicale, la créativité et l’apprentissage... » Ou, pour reprendre le slogan inscrit en première page du site internet du Centre National de Musique : « Et si la visite d’un musée était aussi excitante que le fait d’assister à un festival de musique ? ».
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