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Rêver du front de mer en noir et blanc ou en couleur?
par Jean-Pierre Chupin, publié le 2023-02-22
Ces deux concours, l’un pour le Bassin Louise à Québec, l’autre pour le Terminal du Ferry Jack Layton à Toronto sont séparés par trois décennies de réflexions sur les fronts de mer. Nous vous proposons une comparaison qui apparaîtra toutefois un peu déséquilibrée puisque pas moins de soixante-quinze propositions furent soumises à Québec en 1984 et seulement cinq à Toronto en 2014. On parlait beaucoup des relations entre espaces publics et financements privés en 1984, on parlera plus franchement d’espaces inclusifs et d’attentes des usagers en 2014. Les dessins à l’encre, en noir et blanc, agrémentés de rares perspectives pour le Bassin Louise témoignent aussi d’une époque, pas si lointaine, où l’on pariait très gros sur quelques croquis que le jury devait parvenir à interpréter. Il n’est pas certain que les étudiants d’aujourd’hui seraient toujours en mesure de lire de tels dessins dits « à l’échelle » tant justement la question de l’échelle reste au cœur des problématiques du paysage urbain. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir ces concours dans deux fenêtres de votre fureteur et d’apprécier le flot continu de représentations visuelles à la fois didactiques, réalistes et colorées qu’il importe aujourd’hui de fournir aux jurys de concours. À vos maillots de bain!


Vieux Port de Québec-Bassin Louise (1984) Ville de Québec

En 1984, le programme du concours annonçait que le gouvernement du Canada aurait déboursé, d’ici la fin de 1987, plus de cent millions de dollars pour assurer le réaménagement de ce territoire. On prévoyait que les travaux seraient complétés à temps pour la tenue de l'événement international commémorant le 450e anniversaire de l'arrivée de Jacques Cartier au Canada. Le secteur devait rassembler des activités commerciales, administratives et socioculturelles, tandis que le pourtour du bassin Louise intérieur, abritant un port de plaisance d'environ 350 embarcations, serait principalement voué à des fins résidentielles. On espérait en outre que les premières unités d'habitation soient mises en chantier dès l'automne 1984. Et, compte tenu de notre rôle de développeur et de coordonnateur des investissements publics et privés, l’organisateur du concours disait ne pas vouloir « abandonner le contrôle qualitatif du développement résidentiel à l'entreprise privée et (vouloir) nous doter d'un mécanisme qui assurerait un tel contrôle, tout en permettant une certaine latitude
de réalisation. » Pas moins de 75 propositions détaillées seront soumises à ce grand concours. On appréciera au passage la qualité des dessins à l’encre d’une autre époque. Le jury fut présidé par madame Phyllis Lambert et comportait des personnalités internationales telles que Mario Botta ou nationales telles que Dan S. Hanganu. Outre le projet lauréat attribué à l’équipe de Rudy P. Friesen & Associates, le jury octroya un deuxième prix à Charle Barrett, un troisième prix à Wallman Clewes Architects et pas moins de 7 mentions. L’extrait suivant du règlement du concours en dit long sur les hésitations du commanditaire et sur la volonté du jury d’ouvrir le débat d’idées le plus large possible : « Conscients des difficultés que ces contraintes nous imposent, la Société immobilière du Canada (Vieux-Port de Québec) inc. désire par le présent concours se doter d'un plan image couvrant l'ensemble des terrains disponibles en périphérie du bassin Louise. La Société ne désire pas être le maître d'œuvre du projet, à l'exception du secteur prévu pour le marché public, et par conséquent ne s'engage pas à réaliser le projet avec la firme choisie comme celle ayant présenté le meilleur projet. Cependant, à partir de ce plan image la Société invitera les différentes entreprises privées évoluant dans l'industrie de la construction et d'opération d'ensembles immobiliers à présenter des propositions de réalisation d'une partie ou de l'ensemble du projet, à l'intérieur du cadre que le résultat du concours leur imposera. Ce plan guide dirigera et contraindra l'intervention des entreprises privées intéressées à la réalisation du projet. »

Jack Layton Ferry Terminal and Harbour Square Park (2014) Toronto

En 2014, l’organisme Waterfront Toronto et la Ville de Toronto ont commandité un concours de design innovant de six semaines pour la gare maritime nommée en l’honneur du leader politique Jack Layton et le parc Harbour Square afin d'aider à développer de nouveaux concepts audacieux pour ce site important. Le nouveau mot d’ordre concernera cette fois moins l’ampleur d’une infrastructure que les nouvelles valeurs d’inclusion et le souci de refléter les besoins et les aspirations des millions d'usagers du traversier. Il s’agissait de « produire un plan directeur unificateur et inspirant pour la gare maritime, le parc environnant et les zones adjacentes, qui puisse être construit par phases au fil du temps. » Contrairement à la tension entre espace public et financements privés du concours de Québec, il fallait cette fois proposer des solutions rentables qui auraient le plus d'impact possible dans le contexte d'une installation financée et entretenue par le secteur public. Compétition très restreinte en importance et en budget, elle se limita à 5 projets. Donald Schmitt fut le président du jury et Claude Cormier, déjà célèbre architecte de paysage, était pour une fois du côté des juges et non des concurrents. Le consortium KPMB, West7 et Greenberg fut désigné lauréat devant des équipes aussi prestigieuses que Stoss, NArchitecs, ZAS, Diller Scofidio, Alliance, Clément Blancher, Batle RVTR ou encore Quadrangle, aLLDesign et Janet Rosenberg. Autant dire que ces grandes équipes ne furent pas attirées par les maigres honoraires de 20k$ ni par un coût initial de 600k$, mais bien par l’ampleur du défi urbain et paysager d’un parc en « front de mer. » Ou, dans les mots du lauréat : « En plus d'ennoblir l'expérience de l'arrivée et du départ des ferries, d'assurer la continuité le long du bord de l'eau et de résoudre d'importants défis fonctionnels, il y a là une occasion de créer quelque chose de spécial dans la ville qui soit plus que la somme de ses parties - un "bijou" à visage humain. »
Rien n’est trop beau pour le bord de l’eau.
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